Depuis les 1ères constructions apparues en Iran il y a 7 000 ans, jusqu’au palais et mosquées les plus récents, l’architecture iranienne n’a cessé d’évoluer au gré des invasions, dominations et influences culturelles, subies ou voulues. Parmi les formes les plus remarquables : la ziggurat apparue au 2ème millénaire avant notre ère, ou l’apadana, salle de cérémonie conçue un siècle plus tard. Parmi les matériaux incontournables : la terre, le pisé et à la céramique vernissée en passant par la brique.

Entouré de montagnes qui retiennent les nuages, le plateau iranien serait désertique si les Perses n’avaient développé des trésors d’intelligence pour y amener l’eau courante. Cette eau a permis l’aménagement de jardins, déjà à Pasargades au VIè siècle avant notre ère. Le jardin clos, inséparable du palais princier, a peu à peu été codifié pour se retrouver, idéalisé, dans les miniatures, les tapis, les céramiques, et jusque dans la conception des mosquées…

La représentation "historiée" en 2 ou 3 dimensions existe sur le plateau iranien dès la très haute antiquité, et ce, dans des domaines aussi différents que la poterie et la céramique, la toreutique et la glyptique sans oublier l’architecture. L’invasion arabo-musulmane et les nouvelles exigences qu’elle suppose, tant spirituelles que matérielles, vont bouleverser les traditions et permettre finalement un renouvellement de la représentation persane, dans tous les domaines de la création.

Si l’écriture existe en Iran bien avant la conquête arabo-musulmane, les arts du livre ne s’y développent qu’après. Aux influences arabes et byzantines succèdent d’autres influences venues de l’est, notamment de Chine. Les ateliers d’Hérat, de Shiraz, de Tabriz puis de Qazvin, stimulés à l’époque de la domination Turco-mongole, connaîtront une renommée au-delà des frontières. Un des livres les plus illustrés est le Shahnameh ou Livre des rois.

Des archéologues russes ont découvert, dans les années 40 près du mont Altaï, des tombes vieilles de 2500 ans qui, bien que pillées dès l’antiquité, contenaient encore, notamment, un tapis noué merveilleusement conservé et une tenture assez abîmée. Ils montrent des scènes historiées polychromes, et témoignent de la maîtrise précoce de cet art. Le tapis persan connaîtra son apogée en Perse au XVIIè siècle quand le shah crée des ateliers d’Etat d’où sortent des tapis luxueux destinés à l’exportation, notamment vers l’Europe.

Avec la Renaissance se développe une ample réflexion sur la cité idéale. Dans son traité De re aedificatoria, Alberti considère la cité, à la fois ville et société, comme une totalité organique, reflet de la perfection humaine. Au tournant des XVème et XVIème siècles, Léonard de Vinci imagine des formes d’urbanisme novatrices, qui traduisent un souci d’ordre et d’hygiène. De la ville pontificale de Pienza, imaginée par Pie II, à Sabbionetta, Richelieu et Charleville, les utopies architecturales balancent entre humanisme et absolutisme.

Le XVIIIème siècle s’ouvre et se referme sur la construction de deux nouvelles capitales: utopie autocratique avec Saint-Petersbourg, rêve de Pierre le Grand, ou utopie démocratique avec Washington. Si la pensée visionnaire de Boullée ne dépasse pas le stade du dessin, Claude-Nicolas Ledoux parvient, aux Salines d’Arc-et-Senans, à concrétiser en partie le projet utopique de la construction d’une cité.

Les utopies Saint-Simonniennes et Fouriéristes inspirent la naissance de cités ouvrières (Noisiel autour de la chocolaterie Meunier), tandis qu’au tournant du siècle, face au développement des villes tentaculaires et de la misère urbaine, Ebenezer Howard invente la cité-jardin. Si le souci de restaurer l’équilibre ville-nature est au cœur de la pensée architecturale de Frank Lloyd Wright, beaucoup d’utopies urbanistiques de la première moitié du XXe siècle partagent la conviction que c’est dans le cadre du développement industriel que doit être réinventée la ville moderne. De Hilberseimer à Le Corbusier, les architectes proposent de vastes projets de “cités industrielles contemporaines” rationnelles, géométriques, standardisées.

De la tour de Babel de Bruegel à Métropolis de Fritz Lang, les utopies architecturales n’ont cessé de stimuler l’univers visuel et visionnaire des peintres et des cinéastes. C’est dans la bande dessinée, avec les cités obscures de Schuiten, que l’utopie s’épanouit, entre mirage et fantasmagorie pour recréer des capitales comme Paris et Bruxelles, dans des univers parallèles, entre nostalgie et exaltation du futur.

Les expositions universelles sont le champ rêvé pour concrétiser les constructions utopistes, du Crystal Palace à la Tour Eiffel, de Shangai à Milan, architectes et ingénieurs rivalisent d’imagination, de fantaisie et d’inventivité, pour bâtir l’architecture d’une société meilleure afin de donner raison à Lamartine pour qui "les utopies ne sont souvent que des vérités prématurées".